Article published in La Libre, 05-11-2021
Si les entreprises sont de plus en plus impliquées dans la lutte contre le réchauffement climatique et les patrons de plus en plus engagés, l’écart entre les intentions et les moyens mis à disposition des collaborateurs est encore trop important. C’est sur base de ce constat que Sophie Lambin a créé il y a 18 mois à Londres la Climate School. Celle-ci s’inscrit dans un projet plus vaste : Kite Insights, une société qui fait de la recherche sur les problématiques sociétales environnementales qu’elle met à disposition des entreprises et des ONG. “Il est important de réaliser des recherches de fond pour que les entreprises puissent baser leurs actions sur une compréhension plus fine des enjeux”, note Sophie Lambin, à l’origine, en 2012, de Kite Insights. Aujourd’hui, la société occupe une trentaine de personnes à Londres, où réside sa fondatrice depuis près de 30 ans, mais aussi à Boston et Genève.
“Dans le cadre des contacts que nous avons avec les entreprises, nous avons vu un engagement de plus en plus concret en faveur du climat, mais aussi des employés qui avaient très peu d’idées de ce qu’ils pouvaient faire dans leur fonction pour contribuer à réaliser ces objectifs”, précise Sophie Lambin. “Or les employés ont envie de faire bouger les choses. Selon une étude que nous avons réalisée en août 2020 auprès de grandes entreprises en France et en Grande-Bretagne, 76 % des employés se disent prêts à agir dans leur travail quotidien. Dans des études ultérieures, menées entreprise par entreprise, on constate que dans certaines d’entre elles, ce chiffre monte à 96 %. Et il ne s’agit pas que des jeunes et des personnes éduquées.”
L’ambition de l’école est dès lors de former ces collaborateurs pour qu’ils puissent agir et ce en déployant du contenu accessible pour améliorer leurs connaissances et les équiper d’outils. Chaque fonction est concernée, qu’il s’agisse de la vente, de la logistique, des ressources humaines… “Arriver à un objectif de neutralité carbone nécessite une transformation de toute l’entreprise. Quand on parle de transformation, on parle ‘people’. Il est donc crucial de mobiliser toutes les fonctions”, estime notre interlocutrice.
Du contenu de pointe abordable
Concrètement, l’école consiste en une plateforme accessible, avec du contenu de qualité mais abordable. “Il est nécessaire d’offrir du contenu de pointe. Certaines personnes disent : ‘J’ai lu un article et j’ai compris les enjeux climatiques’. C’est plus complexe. C’est pour cela que nous travaillons avec des experts et des académiques pour avoir du contenu que nous remanions pour le rendre accessible à un plus grand nombre.” Ces outils digitaux sont conçus pour un déploiement à grande échelle et seraient donc potentiellement accessibles à toutes les entreprises dans le monde.
La première étape de la formation proposée par la Climate School consiste en un bilan de départ qui mesure le potentiel de transformation de l’entreprise. Sont mesurés la connaissance des employés en matière de climat, leur motivation, les outils qui leur sont donnés pour agir et la façon dont ils évaluent la capacité de leur organisation à se transformer. “L’engagement, la motivation et la capacité de traduire des intentions en projets concrets sont de bons indicateurs de la capacité de l’organisation à changer, remarque Sophie Lambin. Il s’agit aussi d’une base sur laquelle nous pouvons mesurer les progrès d’une entreprise d’année en année et sa situation par rapport à d’autres.”
Dans un deuxième temps, les employés qu’il faut former reçoivent un accès à la plate-forme qui reprend du contenu. “Nous organisons un accueil particulier, lançons des chapitres différents chaque semaine… Nous essayons de développer une formation qui motive les collaborateurs, qui soit différente de ce qu’ils ont l’habitude de voir car on sait combien ils sont sollicités.”
La formation dure entre 3 et 6 mois et varie également suivant les ambitions : être conscient de la
problématique, en comprendre les bases, agir au sein de son département, à travers différents pays… Certains collaborateurs sont coachés pour en former d’autres.
“Il est essentiel de former les employés et leur donner du temps et des moyens pour pouvoir transformer leur
motivation en actions, déclare Sophie Lambin, qui estime que l’engagement des employés est un bon indicateur de l’engagement des entreprises. Sinon ces belles intentions ne vont rester que des objectifs. Aucun CEO qui s’engage aujourd’hui en faveur du climat ne sera là en 2050 pour voir ce qui a été réalisé. Donner aux employés les moyens d’y contribuer est une mesure tangible de l’engagement de l’entreprise.”
Kite Insights ne travaille qu’avec des entreprises qui sont engagées vers la neutralité carbone et qui ont déjà un programme. “Nous n’essayons pas de convaincre des organisations. C’est pour cela que nous travaillons surtout avec de très grandes entreprises pour le moment.” Mais le mouvement est en marche. “Certains travailleurs vont privilégier l’une ou l’autre organisation selon son engagement concret ou non en faveur du climat. L’étude menée en 2020 montre qu’un collaborateur sur dix envisage de quitter son employeur s’il ne lui permet pas de s’engager pour le climat. Dans certaines entreprises, c’est même un sur deux”, ajoute Sophie Lambin, qui a à cˇur d’inclure dans les formations des considérations sociales du changement climatique, et de voir l’impact sur la justice, les minorités ethniques, les femmes…
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